vendredi 19 novembre 2010

Le mur d'une page Facebook n'est donc pas un espace privé

La décision de licencier pour faute grave trois salariés pour dénigrement de leur employeur sur le mur d'une page Facebook a été jugée fondée par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.  

Ce matin, vendredi 19 novembre, le Conseil de prud'hommmes réuni en formation de départage (en présence d'un magistrat professionnel donc), a considéré que « les pages mentionnant les propos incriminés constituent un moyen de preuve licite du caractère bien-fondé du licenciement ».  

Les conseillers prud'homaux n'avaient pas réussi à trancher concernant le caractère privé d'un échange publié sur une page Facebook (CPH Boulogne-Billancourt, 20/05/2010).  

Ce matin, le caractère strictement privé des propos échangés sur Facebook n'a pas été retenu par le tribunal, soulignant au contraire le caractère public des propos.  

C'est manifestement le fait que les propos soient accessibles à un grand nombre de personnes qui a justifié le licenciement, mais il semble étonnant que le cercle privé que peuvent représenter des "amis" Facebook n'ait pas été retenu. Il n'est pas impossible que les éléments de contexte seront largement pris en compte si des affaires similaires devaient arriver devant les tribunaux, à savoir le nombre d'"amis", le fait que l'accès à la page Facebook du salarié soit ouvert ou restreint, etc. En l'espèce, le salarié dont le "mur" a servi de support à la discussion avait choisi d'en ouvrir l'accès à ses "amis" et aux "amis" de ses "amis".  

Quoi qu'il en soit, la plus grande prudence est conseillée aux utilisateurs de réseaux sociaux trop bavards !  

CPH Boulogne-Billancourt, 19/11/2010.

lundi 15 novembre 2010

Le contrat qui lie une société de production à un candidat de télé-réalité est un contrat de travail

La Cour d'appel de Versailles a confirmé le 9 novembre dernier la décision du Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt qui avait requalifié le contrat passé entre TF1 Production et douze ex-candidats de l'émission de télé-réalité "L'Ile de la Tentation" en contrat de travail.  

L'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles s'inscrit dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de cassation qui avait déjà eu l'occasion de se prononcer sur la qualification du contrat liant les candidats au producteur du même programme de télé-réalité (Cass. soc., 3 juin 2009, n° 08-40.981, Sté Glem c/ Brocheton).  

La Cour a retenu l'existence d'un contrat de travail, notamment au regard du « lien de subordination [entre l'équipe de production et les candidats] caractérisé par l'existence d'une « bible » prévoyant le déroulement des journées, et la succession d'activités filmées imposées, de mises en scènes dûment répétés, d'interview dirigées de telle sorte que l'interviewé était conduit à dire ce qui était attendu par la production ». Ce lien de subordination était également caractérisé selon la Cour par « le choix des vêtements par la production, des horaires imposés allant jusqu'à 20 heures par jour, l'obligation de vivre sur le site et l'impossibilité de se livrer à des occupations personnelles, l'instauration de sanctions, notamment pécuniaires en cas de départ en cours de tournage, soit, en définitive, l'obligation de suivre les activités prévues et organisées par la société GLEM ».  

Plus encore qu'un lien de subordination, un véritable lien de dépendance a été reconnu par la Cour d'appel du fait que les passeports et les téléphones des candidats leurs avaient été retirés alors qu'ils se trouvaient à l'étranger.  

Une rémunération était même versée aux candidats, soit la somme de 1.525 euros qualifiée par le contrat de « minimum garanti, non remboursable et définitivement acquis au participant, à valoir sur les royalties à percevoir sur les exploitations merchandising et/ou promotionnelles associant l'image du participant, son nom et son prénom ». La Cour d'appel a alors expressément considéré que la cause de cette rémunération était la « prestation de travail ».  

Et comme pour effacer tout doute pouvant survenir quant à la légitimité d'une telle requalification, la Cour d'appel rappelle que « quand bien même la commune intention des parties n'aurait pas été une relation d'employeur à salariés, le droit du travail, d'ordre public a vocation à s'appliquer indépendamment des motivations et des intentions de chaque parties ».  

Par cet arrêt, la Cour d'appel de Versailles ouvre un boulevard pour tous les candidats et ex-candidats d'émissions de télé-réalité qui pourront désormais demander au juge de tirer les conséquences d'une requalification de leur contrat en leur accordant les indemnités liées à la rupture de leur contrat de travail, particulièrement pour non respect de la procédure de licenciement, ainsi que le paiement des heures supplémentaires.  

Il est à prévoir que de nombreuses affaires similaires seront plaidées dans les mois à venir et surtout que de nombreuses transactions seront signées en coulisses.  

CA Versailles, 6ème ch., 09/11/2010, RG n° 09/03088